DOCUMENTATION TROISIÈME PROCES COSTES 1999
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COMMENTAIRE D'UN JURISTE

Commentaire de Sébastien Canevet, Maitre de Conférence en Droit privé à l'université de Poitiers.


D R O I T E T I N T E R N E T N.118
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http://www.canevet.com

le 18 décembre 1999

La fin de l'annee est décidement très fertile en décisions portant sur le droit de l'internet. La présente jurisprudence statue sur un point de procédure pénale qui est lourd de conséquences lorsqu'une
infraction est commise via un site web.

Sébastien Canevet mailto:sebastien@canevet.com
(Ce 118 em numero est envoyé à 1607 internautes)

Historique de l'Affaire
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En 1996, un auteur-compositeur , Jean-Louis Costes, publie sur son site web les textes de certaines de ses chansons contenant des propos racistes.

L'U.E.J.F (Union des Etudiants Juifs de France) assigne alors l'auteur, ainsi que son hébergeur, afin que les ecrits litigieux soient retirés.

Dans sa décision du 10 juillet 1997, le Tribunal de Grande Instance de Paris rejette la demande de l'U.E.J.F. au motif que les faits sont prescrits, aux termes de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 (loi "sur la liberte de la presse" applicable egalement à l'audiovisuel, depuis les réformes de 1982 et 1986).

Le texte de ce jugement, contre lequel l'U.E.J.F a fait appel, est disponible à
l'adresse suivante : http://www.canevet.com/jurisp/970710.htm.


Les enjeux en présence
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La cour d'appel de Paris vient de revenir sur cette decision dans un arrêt avant dire droit du 15 décembre 1999 (http://www.canevet.com/jurisp/991215.htm).

Toute la question est de fixer le point de départ à partir duquel courre le délai de prescription. Il s'agit de la date de publication lorsque l'infraction a été commise par voie de presse, de celle de la
diffusion lorsqu'il s'agit d'une diffusion radio ou télédiffusée, bref de la date de première mise à disposition du public.

Les hauts magistrats ont estimé que le fait de mettre un message illégal sur un site prouve la volonté de son auteur "de l'y maintenir ou de l'en retirer comme bon lui semble".

Ils estiment alors que cette infraction est une infraction "continue", c'est à dire un acte qui se poursuit dans le temps, repoussant ainsi le point de départ de la prescription. Cette décision permet donc a l'U.E.J.F. de reprendre sa poursuite contre Jean-Louis Costes.


Une décision contraire a la jurisprudence constante
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Les juges semblent vouloir revenir ici sur une jurisprudence ancienne et constante. En effet, la Cour de Cassation a toujours considéré que les infractions commises par voie de presse sont commises dès le premier acte de publication. Date à partir de laquelle doit être calculé le délai de prescription. (Cour de cassation, Chambre Criminelle, 1er juillet 1953).

Si la présente décision des magistrats parisiens devait être entérinée, l'auteur d'informations illégales publiées sur l'internet serait le seul à ne pas bénéficier de la prescription édictée par la loi de 1881.

On aboutirait à ce paradoxe qu'un journaliste "sauvé par le gong" à l'occasion d'une poursuite tardive contre une infraction commise par voie de presse écrite, pourrait néanmoins se voire condamné si le
site web de son journal a repris le texte incriminé.


P.S. Vous pouvez utiliser librement tout ou partie de ce texte, à condition de citer l'email de l'auteur
(sebastien@canevet.com) ou l'adresse du site (http://www.canevet.com) et de ne pas en tirer profit, ceci pour ne pas entraver la libre circulation de la connaissance et de la langue francaise...

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