Notes d'audience de Gwenn
Début d'audience électrique
Interrogatoire de Jean-Louis Costes
Premier témoin : Jacques-Elie Chabert
Second témoin : Rachel
Plaidoirie du Ministère public, M. Bartoli
Plaidoirie de l'avocat de l'UEJF, Maître Lilti
Plaidoirie de l'avocat de la Ligue des droits de l'homme
Plaidoirie de l'avocat du MRAP
Plaidoirie de l'avocat de la Licra
Plaidoirie de Maître Thierry Lévy, avocat de Jean-Louis Costes
Intervention exceptionnelle du Ministère public
Les derniers mots reviennent au prévenu, Jean-Louis Costes
Début d'audience électrique
Il est impossible au public de rentrer, pour des
"questions
de sécurité", dit le Président, M. Charvet. Le
Président
refuse d'entendre les témoins, Jacques-Elie Chabert et Rachel.
car
"Il n'ont pas été cités"... "Les témoins ne
comparaissent qu'avec l'accord préalable de la Cour".
Thierry Lévy (avocat de Costes) : "C'est une
juridiction
correctionnelle, il y a une absence d'autorisation formelle"
Président Charvet : "Vous voulez que nous les
entendions en qualité de témoins ?"
Ministère public, M. Bartoli : "Selon l'article
447 (?), toutes les personnes peuvent être entendues lorsque
aucune
des parties ne s'y oppose. Cela dit elles ne peuvent avoir le statut de
témoins."
L'audience est suspendue pour savoir si les témoins peuvent témoigner.
Des personnes du public sortent quelques chaises entassées dans un coin. Un gendarme s'oppose : "Plus personne ne va rentrer maintenant". Une jeune femme répond : "Mais regardez il y a plein de places". "Oui mais c'est pour des questions de sécurité". Un jeune homme continue à sortir des chaises; le Procureur s'en prend à lui : "On vous a dit d'arrêter de sortir des chaises. Vous n'allez tout de même pas faire la Police de l'audience !" Le jeune homme se rassied.
Le procès reprend alors que de nombreuses chaises vides subsistent et que le public à l'extérieur espère toujours pouvoir rentrer.
Président Charvet : "L'article 447 s'applique
aux
témoins. Ces personnes n'ont pas été citées.
Elles seront donc entendues à titre de renseignement.
La question de la prescription ayant été
largement débattue à la dix-septième, nous n'y
reviendrons
pas. La prescription cependant n'est pas acquise, les textes
étant
mis en continu à la disposition des internautes.
Quatre parties civiles ont fait appel : UEJF, Licra,
Mrap, Ligue des droits de l'Homme, ainsi que le Ministère
public.
Les griefs retenus contre le prévenu sont au
nombre
de quatre : incitation à la discrimination raciale, provocation
à la haine raciale, insultes raciales et incitation à des
atteintes à la vie et à l'intégrité de la
personne
non suivies d'effet... Trois textes sont visés : trois chansons
extraites du cd "livrez les blanches aux bicots" publiées sur le
site internet de Monsieur Costes. Le 10/7/97, un constat d'huissier a
établi
que les textes figuraient sur deux sites distincts. Une enquête
commence
le 29/9/97. Le Parquet ouvre une information le 29/12/97. Un
débat
sur l'argument de la prescription finit par établir que la
prescription
est non acquise. Ce jugement est donné en cours d'appel.
Lors du premier débat Jean-Louis Costes dit :
"Je
reconnais être l'auteur. Ce sont les paroles d'un disque que j'ai
fait. Ce disque n'est pas l'expression de mes opinions politiques. C'est
une oeuvre artistique. J'essaie de me mettre dans la peau d'un raciste
qui réside dans ma tête malgré ma volonté...
Je ne suis pas raciste." Aujourd'hui nous devons continuer le
débat
au second degré de juridiction.
Interrogatoire de Jean-Louis Costes
Conseiller, M. Blanc : Est-ce que les textes sont
toujours mis à la disposition du public ?
JLC : Oui, sur le site où j'ai archivé
les textes de mes CD. Ce sont les paroles. Sur ce site, je donne des
informations
sur mes activités.
Président Charvet : Vous pourriez
peut-être
enlever les mains de vos poches !
Conseiller, M. Blanc : A la question du sens vous avez
répondu que vous vouliez sortir de vous ce qu'il y a de plus
horrible.
JLC : J'ai voulu représenter les fantasmes
racistes
mais ce ne sont pas mes opinions politiques. Je ne suis pas un militant.
Ni de gauche, ni de droite. Il s'agit strictement de fictions
artistiques.
M. Blanc : Votre objectif est-il purement commercial
?
JLC : C'est une activité culturelle avant
tout.
M. Blanc : Contestez-vous que le contenu de ces textes
soit délibérément raciste ?
JLC : Je n'ai jamais considéré ces
textes
comme des délits racistes. Si je pensais que cela tombait sous le
coup de la loi, je ne les aurais pas mis sur mon site avec mon nom et
mon
adresse! C'est une représentation du mal, une fiction comme quand
vous voyez un crime à la télévision. On m'attaque
au motif que c'est un crime que je représente, mais c'est
pourtant
une convention culturelle admise. Il y a des milliers de crimes
représentés
à la télévision chaque jour. Sont-ils punis comme
de vrais crimes ? Non car tout le monde comprend qu'il s'agit de
fiction.
M. Blanc : Oui, je crois que pour vraiment se rendre
compte
il faut lire ces textes.
Il commence à lire le texte "Les races puent"
: "Les négros puent du cul..." Vous contestez le caractère
raciste de ce texte ?
JLC : On ne peut le prendre au premier degré.
Il y a une connotation surréaliste. C'est un type
paranoïaque.
Il est fou. C'est le délire d'un fou. A un moment dans cette
chanson
il hurle qu'il ne peut plus manipuler l'argent car il est souillé
par de la merde d'étrangers ! C'est trop aberrant pour être
crédible.
M. Blanc : Pouvez-vous nous indiquer les
éléments
qui à côté, dans l'introduction et la
présentation
du texte, permettent de prendre de la distance, d'avertir sur la
dimension
surréaliste ? Qu'est-ce qui marque la distance ? Dans le site, y
a-t-il autre chose qui permet de prendre de la distance ?
JLC : Quand on arrive sur la première page de
mon site, le contexte culturel artistique est directement
évident.
On sait tout de suite qu'on n'est pas sur un site politique ou
d'information.
L'iconographie, les titres de rubriques, tout l'indique. Il y a une
photo
de moi dans un spectacle. Je suis nu et je porte une fille dans mes bras
dans un décor irréel. Et il y a les rubriques "Films",
"Disques",
"Romans-photos"... etc. Ce sont des rubriques culturelles. Puis, pour
voir
les textes il faut franchir plusieurs étapes toutes dans le
même
contexte culturel délirant. On rentre dans la rubrique "compact
disque", on voit des titres de disques et d'autres illustrations toutes
tirées de spectacles et concerts. On sait donc à tout
moment
qu'on est dans le cadre de représentations artistiques et non des
discours réel. C'est évident.
M. Blanc : En quoi le fait que le texte soit sur un
disque
fait qu'il n'est pas raciste ?
JLC : Quand vous voyez le mal à la
télé,
vous savez que c'est une représentation. Appelez vous la police
pour faire arrêter les criminels qui agissent dans les films sur
votre écran ?!
Sur la pochette du disque, je me fais enculer par un
noir. Ce n'est pas vraiment le genre de scène qu'aime les
racistes!
Ce cd m'a valu pendant des années les insultes et menaces de
l'extrême-droite
avant que l'uejf prenne le relais. Les racistes haïssent ce cd qui
ridiculise des thèses qui sont pour eux sacrées.
Mélanger
leurs concepts de race avec des délires sexuels et scatologique
n'amuse pas du tout l'extrême-droite !
M. Blanc : Pourquoi avez-vous diffusé ces textes
sur Internet ? Dans un but commercial ? A quoi cela sert-il ?
JLC : Vous voulez dire, à quoi ça sert
l'art ?!
Président Charvet : Nous ne sommes pas
là
pour faire de la philosophie, alors répondez aux
questions.
M. Blanc : La mise à disposition du public de
vos textes, à quoi cela sert-il ?
JLC : C'est dans la nature humaine de chercher a faire
connaître et reconnaître ses oeuvres. Il n'y a donc rien
d'extraordinaire
à ce que je cherche à diffuser les miennes par internet ou
autrement. Les artistes indépendants ont des problèmes de
distribution. Nos oeuvres sont jugées pas assez commerciales par
les grands distributeurs qui contrôlent la diffusion, et restent
donc de tout débouchés par les circuits traditionnels.
L'internet
est pour nous un extraordinaire moyen de diffusion qui nous permet,
malgré
nos petits moyens de mettre nos oeuvres à la disposition d'un
public.
M. Blanc : Et quel est le résultat ?
JLC : Pour tous les petits labels indépendants
c'est super ! Nous pouvons annoncer nos nouvelles productions en ligne
pour un coût très faible, voire mettre directement nos
musiques
en ligne...
M. Blanc : Mais vous, personnellement, vous les vendez
vos textes ?
JLC : Je ne vends pas les textes qui ne sont que de la
documentation sur mes oeuvres, mais je propose à la vente les
disques
sur mon site comme auparavant sur catalogue papier. Internet me permet
de contacter les amateurs plus facilement que par courrier.
M. Blanc : Avez-vous vendu plus de disques depuis que
vous avez votre site ?
JLC : Il y a un basculement des amateurs du
réseau
postal au réseau internet. Il est difficile de savoir dans quelle
proportion les nouveaux amateurs sont spécifiques au
réseau
ou s'ils se seraient de toute façon intéressés
à
ma musique, avec ou sans internet. En tout cas ça n'a pas
provoqué
une explosion de mes ventes de disques, plutôt une montée
du nombre de visiteurs du site.
M. Blanc : Vous en avez vendu combien de ce disque
?
JLC : J'en ai fait presser mille copies, un tirage
habituel
pour une production indépendante et j'en ai vendu 700 copies
depuis
1989. L'intérêt essentiel du site pour mois n'est pas
commercial
mais culturel... ça facilite l'accès aux oeuvres pour les
amateurs. Si je fais un nouveau disque, je le mets en ligne ce soir et
les gens sont au courant immédiatement.
Président Charvet : Quelles sont les 2 personnes
qui doivent être entendues ?
Maître Thierry Lévy (avocat de Costes) :
M. Chabert et Mademoiselle Rachel.
Premier témoin : Jacques-Elie Chabert
Jacques-Elie Chabert : Je suis directeur d'une
chaîne
de télévision locale parisienne. Je suis juif et me sens
très proche de l'UEJF. Ma famille a souffert de la seconde guerre
mondiale. Mon père a été interné dans un
camp
de concentration. Croyez moi, la cruauté extrême et le mal
absolu, sont des problèmes que je me suis posés. Et pour
un artiste, il est très difficile de représenter le mal,
si on ne le vit pas soi-même. Pour moi seuls deux artistes
arrivent
à le faire : Claude Lanzmann pour sa totale retenue dans son film
"Shoah" et Jean-Louis Costes pour son absence totale de retenue. J'aime
les deux. C'est une erreur grave que fait l'UEJF en attaquant Costes. Et
ce sera grave s'ils obtiennent satisfaction... L'affaire Costes est une
affaire de goût.
Président Charvet : Que pensez-vous de l'oeuvre
de Céline qui est très discutable ?
Jacques-Elie Chabert : Céline avait de la
sympathie
pour le nazisme. Ce n'est pas le cas de Costes. Je n'ai pas beaucoup de
sympathie pour l'oeuvre de Céline alors que j'en ai beaucoup pour
l'oeuvre de Costes.
Second témoin : Rachel
Le deuxième témoin est appelé
: Rachel, fille d'immigrés sénégalais,
musulmane.
Le président lui demande de présenter
une
pièce d'identité.
Rachel : Je suis de nationalité
française.
J'ai participé à de nombreux travaux pour SOS Racisme. La
mise à disposition du public de la musique, je connais. Je
travaille
pour une radio en tant qu'attachée de presse et responsable de la
communication. Je connais bien le travail de musiciens de hip hop. Je
comprend
donc bien les problèmes de communication et d'image liés
à l'art.
Je connais le travail de Costes. C'est un
véritable
artiste qui a son univers propre. Son travail est basé sur
l'improvisation.
C'est un travail extrêmement relâché qui lui permet
d'exprimer tous les refoulés.
Ce n'est pas de la propagande car son but n'est pas de
séduire. Il cherche juste à sortir ce qu'il a au fond de
lui-même à la façon d'un artiste.
La première pensée que l'on peut avoir
quand on l'entend : c'est "c'est incroyable!". On ne dit pas "c'est
incroyable"
à propos d'un discours rationnel de propagande! C'est à un
niveau de second degré qui n'est pas commun. C'est un jeu de
rôle.
Costes se met dans la peau d'un personnage raciste. Et pourtant ce n'est
pas un raciste. Son disque "Sorcière" est des chansons d'amour
pour
une noire.
Sur son site il se présente comme un personnage
à part, comme un poète maudit, à part. On peut dire
que c'est bien ou pas bien... En tout cas il est resté
fidèle
à lui-même.
Je le connais depuis que j'ai 14 ans. Quand
j'étais
plus jeune, nous parlions de tout ensemble. Nous parlions de religion,
puisque je suis de confession musulmane, de problèmes de
société...
J'ai bien compris que c'était un esprit ouvert et
tolérant.
Grâce à lui j'ai découvert des milieux
différents.
Et c'est le premier artiste que j'ai rencontré.
Président Charvet : Vous pensez que à
partir
du moment où on a quelque chose au fond soi, c'est bien de le
sortir
?
Rachel : C'est le travail de l'artiste de dire "Ceci
est le mal, je le vois comme ça". L'artiste représente le
mal pour nous permettre de méditer dessus, de comprendre les
problèmes
au lieu de les cacher.
Président Charvet : Mais comment savoir qu'un
disque va être perçu au second degré ?
Rachel : L'oeuvre s'exprime dans un contexte, l'image
de l'artiste, son discours, qui permet de comprendre que c'est de
l'art.
Président Charvet : Il s'agit d'une chanson...
J'ouvre la radio... Comment ai-je accès à la
compréhension
du travail de l'artiste et au contexte ? Où se trouve la distance
dans le propos ?
Rachel : Elle se trouve dans la forme et la
communication
autour qui prouvent que c'est une parodie.
M. Blanc : Vous connaissez les techniques de
communication
et vous êtes une militante anti-raciste. Peut-être aurait-il
été prudent d'indiquer quelque chose de plus explicite
auprès
des textes ?
Rachel : Je me suis posé la question. J'ai
regardé
le site. Costes explique dans un texte à quoi peuvent s'attendre
ceux qui visitent son site.
Président Charvet : Vous connaissez bien les
jeunes
des banlieues. Beaucoup de jeunes n'ont pas votre niveau
d'éducation...
Croyez-vous qu'ils peuvent tous comme vous comprendre le second
degré
que vous voyez dans ces chansons?
Rachel : Justement, je connais des jeunes, de couleur,
qui sont allés voir son site. Et ils ont trouvé cela
très
intéressant. Et ils désirent travailler avec Costes. Ce
sont
des musiciens de rap, et ils ont travaillé avec Costes et ils
vont
sortir un disque ensemble. Ils ont compris que c'est trop extrême,
que c'est plus que du second degré, que c'est le dernier des
derniers
degrés.
Le président demande l'avis des parties sur
l'ordre
des plaidoiries. L'UEJF propose au Ministère public de commencer
en premier. Le Ministère public accepte.
Plaidoirie du Ministère public, M. Bartoli
Le problème de la prescription est pour
l'instant
tranché (...). Le problème n'est pas de rechercher la
valeur
artistique des créations de M. Costes. Le problème n'est
pas d'imposer un choix de recherche ou un thème. Il est hors de
question d'imposer à M. Costes une censure. Le thème de
l'ordre
moral et de la censure n'est pas le problème. Compte tenu de la
prévention reprochée et sur le fondement de la loi, le
problème
n'est pas de porter un jugement sur ses oeuvres. Le problème est
de savoir si le propos visé est de nature à constituer
soir
un délit d'injure, etc...
La Cour ne peut s'en tenir qu'à cette
marche.
Selon la jurisprudence : l'intention délictueuse
se déduit non pas de l'analyse mais de la nature même des
propos. Les exemples soulignés traduisent une violence, une
brutalité
et une bestialité des propos. Il suffit pour que l'infraction
soit
caractérisée que le lecteur ou auditeur reçoive
cette
charge à l'encontre d'une communauté pour que l'infraction
soit réalisée. C'est le débat.
M. Costes est libre du choix de ses thèmes et
de la manière dont il les traite. Ce débat pourrait
être
intéressant dans une autre enceinte. Peut-être qu'un jour
un éminent universitaire écrira une thèse sur le
travail
de M. Costes. Mais ce n'est pas le débat qui nous
préoccupe
ici.
Vous avez un texte brutal, violent qui porte une charge
d'agressivité [...] Je ne parle pas du public averti. Qui peut
affirmer
qu'un visiteur du site de M. Costes ne le trouvera pas raciste ? Le
doute
existe. Cela suffit. L'infraction est dans les textes mêmes et pas
dans les interprétations qu'on peut en faire. Il suffit de
reprendre
ses textes pour dire à M. Costes qu'il a enfreint la loi.
[...]
Vous ne condamnerez pas la production artistique, vous
n'en ferez pas une victime, ni un Voltaire, ni un Zola. Mais vous
condamnerez
quelqu'un qui a dérapé, qui a tenu des propos qui sont
inadmissibles
dans le cadre minimum de nos relations sociales. [...] M. Costes a
transgressé
cette règle de bon sens.
Je réclame une peine d'emprisonnement de 6 mois
avec sursis assortie d'une amende pour marquer que la liberté de
création a quand même quelques limites raisonnables que M.
Costes a délibérément
dépassées.
Plaidoirie de l'avocat de l'UEJF, Maître Lilti
M. l'avocat général a dit l'essentiel
de ce que nous considérons poursuivre, après avoir
tenté
vainement d'obtenir de M. Costes un acte de citoyen.
Nous avions d'abord poursuivi M. Costes devant la
juridiction
civile, mais il a souhaité être jugé selon la loi de
1881.
Les trois textes poursuivis sont objectivement
racistes.
M. Costes est-il raciste ? Nous ne pouvons pas le
savoir.
La seule trace est dans les textes et le contexte. S'il existait quelque
chose montrant qu'il n'adhère pas au contenu de ses textes, qu'il
s'agit de second degré, un doute pourrait naître sur les
buts
de M. Costes. Le doute est dissipé par le texte "Je hais les
races".
Dans ce texte M. Costes se vante : "Des skins m'ont
appelé
et m'ont dit qu'ils avaient tué un pakistanais à cause de
mes chansons (...) Je culpabilise vaguement [...] mais au fond je suis
content et fier d'avoir de l'influence auprès des gens, cela
prouve
que mon oeuvre existe, que j'existe [...] mon influence serait-elle
maléfique...
mieux vaut tuer que ne pas exister".
On ne peut pas considérer ce texte comme un
avertissement.
Rien ne permet d'y voir l'expression d'un délire artistique et
non
d'une opinion. La liberté du créateur n'est pas absolue.
On nous dit que M. Costes s'adresserait à un public
d'initiés,
mais son site internet est accessible a tous.
Nous ne serions pas en présence d'un militant
d'extrême droite... On nous dit que sa fiche des R.G. le
confirme...
Pourtant l'animateur de la Vieille Taupe, Serge Thion, apporte
son
soutien à M. Costes. Dans un texte qui a circulé sur
internet,
il dit qu'il est victime de l'UEJF qui veut asservir la liberté
d'expression.
Ailleurs, dans un texte sur les médias, M.
Costes
explique quel fut l'impact du réseau sur son art : "Je peux
mettre
mon catalogue en ligne en un instant, faire connaître ma musique
au monde entier, quel pied !" Il aurait pu ajouter "Quelle
responsabilité
!".
M. Costes prend une responsabilité en
plaçant
ses textes en ligne.
J'ai lu qu'il est question d''art
dégénéré'
dans les conclusions de Thierry Lévy, face à l'art
officiel.
Nous n'en sommes pas là. Il s'agit juste de faire cesser ces
délits.
Ce site avait eu trois mille visiteurs quand nous l'avons poursuivi en
1997, nous en sommes à 100 000 aujourd'hui !
Cependant, le point de vue de l'UEJF est que la
réquisition
du ministère public est sévère. Nous ne partageons
pas la sévérité du Ministère public. Nous ne
voulons embastiller personne. Nous demandons un franc de dommage et
intérêts.
Plaidoirie de l'avocat de la Ligue des droits de l'homme
Nous avons considéré que les textes
nécessitaient une intervention.
Ce qui est important ce sont les textes. Si l'on fait
un constat strictement objectif, il y a injure raciale, provocation
à
la haine raciale, etc... L'argument de Costes : "je suis un artiste, je
peux donc dire ce que je ressens au plus profond de moi et exprimer mon
opinion en chantant ce que peut dire un raciste".
M. Costes se drape de poète maudit ! Se cache
derrière
des témoignages d'universitaires, de militants, M. Bourseiller,
auteur d'un livre sur le cyber-sex... articles du Monde.... Tous
ces gens viennent dire qu'il est un artiste, qu'il dit des choses
incroyables.
On peut se draper dans cette dignité, se cacher
derrière Baudelaire, les tragédies grecques. Cela ne peut
pas tenir. Il n'y a pas de raison que la loi s'exerce
différemment
pour M. Costes.
M. Costes dit : "j'ai le droit d'écrire ce que
je veux". Cela implique une responsabilité. C'est le pendant de
la liberté d'expression. Il porte atteinte à la
dignité
de la personne.
La LDH ne demande pas une peine de prison. On ne peut
pas embastiller quelqu'un parce qu'il dit quelque chose. Nous demandons
un franc de dommage et intérêts. Et 10 000 F au titre de la
loi [...]
Plaidoirie de l'avocat du MRAP
Il est clair que M. Costes est coupable. Il dit
lui-même
qu'il culpabilise vaguement. Sa manière de se défendre
aggrave
son cas. La question est de savoir si en diffusant sur Internet, il
commet
ou non le délit de provocation à la haine raciale. La
réponse
est "oui".
Pour se défendre il a deux catégories
d'arguments.
Le premier : tout cela doit être remis dans son contexte. Le
second
: c'est une manière surréaliste de dire ces choses... Je
ne sais pas... Ce n'est pas la valeur artistique qui est en
cause.
En ce qui concerne le premier argument, je ne sais pas,
il n'y a pas la musique... Le contexte est absent de ce qui lui est
reproché
aujourd'hui. Peut-être que le contexte permet d'avoir la
dérision.
La lecture de ces textes décontextualisés constitue les
délits
qui lui sont reprochés aujourd'hui.
Dans les conclusions extrêmement brillantes de
Me Lévy, il signale qu'il y a un avertissement sur lequel on peut
cliquer. C'est matériellement faux. Le lien qui mène vers
le texte "Je hais les races", s'appelant : "si le contenu de ce Cd vous
choque, cliquez ici" n'est que facultatif. Or Il faudrait d'abord avoir
lu le texte.
Il est reproché à M. Costes d'avoir écrit un texte qui incite à la haine raciale et non un texte choquant. "J'espère bien que ce que je vous dit peut avoir une influence" écrit-il dans "je hais les races". Il aggrave son cas ! Si vraiment il croit ce qu'il écrit, si vraiment il porte cela en lui, alors c'est plus grave que ce qu'il en dit. Il dit représenter des fantasmes enfouis en chacun d'entre nous... je ne sais pas... moi je ne ressens pas ces fantasmes en moi !
Ce n'est pas sa conscience qui est en cause mais le
fait
de mettre ces textes à la disposition du public.
Nous ne voulons pas de peine de privation de
liberté.
Il y a beaucoup de choses plus graves. Nous demandons 10 000 Frs de
dommages
et intérêts. Nos associations n'ont pas de revenus qui leur
soient propres. Les peines prononcées contribuent à
appuyer
leur combat.
Plaidoirie de l'avocat de la Licra
Notre objet est la défense des
libertés
des droits de l'Homme. Qu'on n'essaie pas d'inverser. De nous
présenter
comme des opposants à la liberté. La première
sauvegarde
est de préserver la liberté jusque dans ses limites. Les
textes fondamentaux de la Déclaration universelle des droits de
l'Homme disent que toute personne a droit à la liberté
d'expression.
Son exercice implique des devoirs et des restrictions.
C'est ça une démocratie. La
liberté
d'expression nous est chère. La limite à la liberté
d'expression a été votée dans les textes
français
de la loi de 1881. Les textes d'insultes, diffamatoires, les injures, la
haine raciale : leurs auteurs doivent être condamnés pour
protéger la dignité humaine et la liberté. Toute
personne
comprend le combat de la dignité humaine.
Prenez un enfant de douze ans, en un clic il se
retrouve
sur le site de Costes ! Il tape le mot "race" dans un moteur de
recherche
et cela lui permet d'aller directement sur le site.
Le respect de la dignité humaine implique
d'être
responsable. Quand un auteur écrit des chansons, qu'il est un
poète
maudit, il a le droit d'écrire mais s'il décide de publier
avec cet extraordinaire moyen de communication qu'est Internet, il a
alors
la même responsabilité que Yahoo.
Quelles que soient les raisons artistiques de Monsieur
Costes, cela ne nous importe pas. Les textes en eux-mêmes
constituent
des infractions. Mais La Licra ne souhaite pas une peine de prison. Nous
demandons 50 000 francs de dommages et intérêts et 10 000
francs selon la loi [...].
Plaidoirie de Maître Thierry Lévy, avocat de Jean-Louis Costes
Il y a quelques années, dans les
années
80, les victimes de propos racistes et antisémites avaient du mal
à faire condamner Jean-Marie Le Pen qui avait adopté,
comme
ceux qui le soutiennent, un système qui consistait à tenir
en public des propos ambigus destinés à la presse. Et dans
des cercles plus étroits, il éclairait le propos par des
déclarations qui ne laissaient aucun doute sur ses intentions
à
l'égard des étrangers et de ses thèses d'exclusion.
Il était donc difficile d'obtenir dans certains cas la
condamnation
de l'idéologie qu'il soutenait.
Une autre forme d'idéologie qui véhicule
un racisme est celle de Serge Thion et de La Vieille taupe. Les
négationnistes ont dit qu'ils soutenaient la position de Costes.
Mais il faut s'interroger sur le type de soutient que Thion apporte
à
Costes.
La première question qu'il faut se poser est la
suivante : peut-on raisonnablement soutenir que les textes poursuivis,
dont le caractère grossier, insultant et violent est tel que
personne
ne les a lus dans cette audience, puisse être l'oeuvre d'un
raciste
? Est-il imaginable qu'un seul des théoriciens actuels du racisme
assume les textes écrits par Costes ?
Posons nous cette question et demandons nous s'il est
possible de produire un texte de Faurisson ou Le Pen qui dirait un
millième
de ce que dit Costes ? Impossible. Si c'était le cas, si ces gens
assumaient la paternité de ces propos, ils apparaîtraient
en contradiction avec leurs thèses et tellement excessifs que
leur
cause deviendrait ouvertement impossible à assumer. Si Le Pen
disait
ce que dit Costes, il serait définitivement mort pour la cause du
racisme. Costes, d'après les Renseignements
généraux,
dont il a mis la fiche qui le concerne sur son site (en faisant appel
à
la CNIL), est un sympathisant de l'extrême-gauche soutenu par des
négationnistes...
Certains de ces derniers ont en effet commenté
le procès dans des termes désagréables pour tout le
monde. Leur position à l'égard de Costes est la suivante
: "C'est un imbécile car c'est un anti-raciste ; c'est un
anti-raciste,
donc c'est un imbécile". Ils font donc une synonymie entre
anti-racisme
et imbécillité.
Imaginons que Jean-Louis Costes réussisse
à
convaincre la cour que ce qu'il a écrit poursuit un combat contre
la racisme. Cela ne suffirait pas à la cour. Un anti-raciste peut
se laisser aller à l'extrême et commettre les délits
d'insulte, d'injure raciale, de provocation à la haine raciale et
d'appel au meurtre. Il n'est pas pertinent de démontrer
uniquement
qu'il n'est pas raciste.
L'appréciation doit avoir un caractère
objectif sur le texte lui-même et le contexte, c'est sur ce
terrain
que doit se mener la combat.
Il n'est pas indifférent que Jean-Louis Costes n'est pas raciste. Il en apporte ses preuves à travers les témoignages de ses ennemis et de ses nombreux amis qui sont venus, au risque de paraître en contradiction avec eux-mêmes, apporter un soutient à Jean-Louis Costes. On peut accuser Costes de tout sauf de racisme. Les textes ne sont pas immédiatement accessibles. Il faut une série de clics successifs pour y accéder. On ne tombe pas par hasard sur les textes.
Sur son site, l'affirmation de sa haine de toutes les
idéologies, dont le nazisme, est affirmée avec une
réelle
violence. De nombreux textes démontrent qu'il n'est pas partisan
d'un cheveu des théories racistes et qu'au contraire, il les
combat.
Costes, peu importe l'appréciation sur son
travail,
est un artiste, c'est-à-dire un homme qui n'a pas d'autre
objectif
que d'exprimer librement quelque chose qui n'appartient à aucun
clan ou parti, quelque chose qui appartient à l'humanité
toue entière. La définition de l'art qui défini
Costes
est-elle compatible avec le fascisme ?
Costes fait partie des artistes qui refusent le
classement
dans un système. Admettre le système des races est
impossible
pour eux. Costes combat le racisme car il combat les systèmes
dans
des formes qui les autodétruisent. D'ailleurs, les partisans du
nazisme refusaient ces formes d'expressions qu'ils appelaient
dégénérées,
les idéologies soviétiques aussi.
Je dois avouer que j'ai été déçu par le premier témoin qui a dit "je condamne Céline parce qu'il avait une sympathie pour le nazisme". J'ai trouvé que c'était une réponse décevante. Une partie de l'oeuvre de Céline est censurée à la demande de sa dernière épouse. S'il fallait défendre cette oeuvre-là aujourd'hui, la cause serait plus difficile parce que Céline avait des sympathies avec le nazisme qui occupait alors la France. Mais Céline a dans son oeuvre quelque chose qui ruine le fondement du nazisme : un excès, de la démesure, du délire. On ne peut pas lire "Bagatelle pour un massacre" sans regretter que l'oeuvre ne soit pas accessible à un public. Sa publication apporterait un élément de réponse qui nous permettrait d'avancer dans une meilleure connaissance du racisme et de la littérature.
Costes prend des risques. Il s'expose à toutes
les critiques et à la violence. Dans ses spectacles, le corps de
Jean-Louis Costes est exposé nu au mépris et à la
haine.
Il a publié des textes de chansons qui sont
indiscutablement
en soi, mot après mot, des injures. Mais doit-on s'interdire de
lire attentivement ces textes ?
Il est intéressant de voir qu'aucun des
assaillants
n'a voulu lire les textes. On ne peut pas prononcer ces textes dans une
lecture mot à mot sans leur apporter une aide. Il faut lire
l'ensemble
des textes, de la citation. Et qu'y voit-on ?
La question est la suivante : "M. Costes n'est
peut-être
pas raciste mais expliquez nous ce qui dans ce texte apporte un
élément
de distance et d'exagération ?" La réponse est dans le
texte.
La forme même du discours, la scansion des phrases, la
présentation
syntaxique, l'organisation du discours aboutissent à ruiner la
théorie
raciste. Costes a choisi de concentrer de manière brutale la
théorie
pour en dénoncer l'absurdité. La saleté, les
mauvaises
odeurs, tout ce qui rattache depuis toujours le racisme aux
excréments.
(Le Président de la République lui-même avait
évoqué
les odeurs incommodantes). L'odeur et l'excrément sont
intrinsèquement
liés au racisme. Costes pousse le discours raciste à un
tel
excès de violence qu'il le ruine, le détruit, en
anéantit
le propos.
... "Les races puent" : "Les négros puent du
cul...
Quand je prend la monnaie, je touche leur merde ! (...) Quel raciste
conséquent
pourrait tenir un tel propos ? Qui ne voit à travers ce texte que
l'intention de Costes n'est nullement d'inciter à la violence
mais
d'attirer l'attention sur l'impossibilité de soutenir les
théories
racistes, de suivre la cause du racisme.
Dans son texte "Je hais les races", il dit que c'est
le racisme qui dit qu'on se sent noir. Mais quand il n'y a aucune
attention
à la couleur, il n'y a pas de racisme" Et dans une chanson
récente,
il parle de deux petites filles noires, des voisines près de chez
lui à Saint-Denis qui observant un groupe disent : "ils font du
trafic de drogue. Ce sont des noirs !". Ces jeunes enfants ne se
considèrent
pas noires ! Car elles ne connaissent pas encore le racisme. D'où
vient que l'on se sent blanc, noir ou juif, sinon d'un discours de haine
?!
Dans ses mots les plus durs, Costes combat à sa
manière un racisme larvé, latent.
Dans la chanson "Blanchette tapette à bicots",
Costes se met en scène. Il est un noir qui se couvre de fromage
blanc pour attirer les désirs d'un homosexuel qui se tromperait
sur sa couleur. Il détourne les propos du raciste ordinaire dans
une situation absurde.
On pourrait dire que l'affaire a été
tranchée
et jugée lors de l'arrêt de 1996, suivi d'un autre
arrêt
en 1996 lors de l'affaire Patrick Sébastien/Patrick Bruel. Ce
dernier
avait refusé une invitation à Toulon pour éviter
que
son succès ne favorise la municipalité. Patrick
Sébastien
avait évoqué le refus de Bruel dans un sketch
détourné
où il chantait "Casser du noir". Pour M. Patrick Lelay et
Sébastien
on pouvait revendiquer un droit à la caricature et à la
dérision.
La cour a écarté ce droit. La cour a reconnu que
l'émission
de Sébastien avait un caractère hybride : à la fois
fantaisiste et politique. Elle a donné l'avantage aux
théories
racistes quand Le Pen s'est exprimé.
Le site de Costes n'a aucun caractère hybride.
Il n'y a pas une virgule qui rattache les textes de Costes à
quelque
chose de sérieux, à un débat public.
L'autre affaire est celle d'une plaisanterie dans laquelle on demandait d'identifier des personnes. Il y avait d'abord "Superman". Et celui qui volait dans le supermarché était "Musulmane". Est-ce que cela pouvait être disculpé par la gauloiserie de l'émission ? La 11ème chambre a condamné car elle a estimé être en présence de gens qui avaient préparé une production en vue du public. Ils avaient nécessairement apprécié le risque qu'une plaisanterie de mauvais goût ne génère une interprétation de racisme quand le contexte se rattache à une réalité.
Dans le cas de Costes : il n'y a aucun lien entre ses
paroles et ses actes. L'anarchie des termes rompt le lien que l'on
pouvait
faire entre l'énoncé et l'action. Il est impossible de
rattacher
les propos de Costes à une idéologie raciste quelconque.
Les mots utilisés par Costes, l'ordre, la forme, la phrase : y
a-t-il
quoi que ce soit qui laisse un doute sur son intention ?
C'est à ce travail d'analyse que la cour va
devoir
s'attacher en se demandant si la théorie raciale peut être
sous-entendue, de même que pour l'incitation au
meurtre.
Dans une de ces chansons, Costes veut empaler un de ses
personnages sur un saucisson. On peut en rire ou pas. Mais dans la
définition
il faut un lien réel entre l'infraction et le propos. Or, on n'a
jamais dit que le saucisson est une arme par destination !
Il faudra de même examiner le texte pour
l'injure
raciale. Y a-t-il des qualifications d'injure raciale dans un contexte
totalement délivré d'une intention militante, de combat,
qu'elle fut collective ou particulière ? Il est impossible de
déceler
chez Costes cette intention.
... Costes est totalement exposé. Il est nu
comme
rarement on est nu devant une juridiction. Vous ne pouvez pas imaginer
un instant que Costes a pu tenir des propos racistes. Il fait preuve du
maximum de sincérité qu'on peut attendre d'un artiste. Il
subirait une condamnation comme une atteinte à la part de
vérité
qu'il essaie d'exprimer à travers ses oeuvres.
Intervention exceptionnelle du Ministère public
Pour la première fois de ma carrière
j'utilise les dispositions de la loi [...] pour intervenir après
l'avocat de la défense. J'ai entendu à quatre reprises une
volonté des parties civiles de porter un jugement sur les
réquisitions
! Elles ne doivent pas porter un jugement sur les réquisitions.
J'ai été désigné comme le seul liberticide.
Je n'accepte pas d'être désigné comme le seul
liberticide
ici ! Je ne suis pas un accusateur honteux.
Les derniers mots reviennent au prévenu, Jean-Louis Costes
Finalement, au fond, la question n'est pas de
savoir
si je suis ou non raciste. La question c'est "quelles sont les limites
de l'art ?"
Depuis toujours, formellement depuis les grecs, il y
a deux thèses :
Pour les partisans d'Aristote, l'art doit
représenter
le crime dans toute sa bestialité et sa brutalité, comme
le disait justement le ministère public, sans jugement moral
aucun,
afin de nous faire comprendre les mécanismes du mal pour mieux le
combattre. C'est ma position.
Pour d'autres - et aujourd'hui c'est la position des
parties civiles - cette conception de l'art représente un danger
social car ces représentations du mal peuvent "corrompre
l'âme"...
Pour ces partisans de Platon, l'art doit être au service de la
morale,
"au service de la politique du sage". L'art ne doit pas simplement
exposer
crûment, il doit contenir des clés morales.
C'est un débat constant depuis des
siècles.
La position des représentants de l'état
et de la justice bascule soit vers l'un soit vers l'autre camp selon les
époques, et la censure contre l'art se fait plus ou moins
sentir.
Dans les époques tolérantes et paisibles,
on accepte un art cru exposant directement le mal comme le bien sans
propagande.
Dans les époques intolérantes et
troublées,
on impose un art moral au service de la propagande. Les exemples les
plus
caricaturaux et récents sont évidemment les nazis et les
soviétiques. C'est cet art à la botte du pouvoir moral que
cherchent à imposer les parties civiles malgré leurs
discours
"au nom de la liberté et des droits de l'homme". Le mal avance
toujours
avec le masque du bien.
Quant à moi, quelque soit la décision des
juges, contre l'art bestial ou pour l'art officiel, je resterai toujours
un artiste bestial et brutal, car la brutalité et la
bestialité
sont la base et le moteur de la création.
... Par mes oeuvres, je vous ouvre une fenêtre
sur le monde par laquelle vous pouvez contempler les
réalités
atroces, et méditer sur elles, sans aucun risque car il ne s'agit
que de fictions, de fantasmagories. Si vous refermez cette
fenêtre,
si vous empêchez toute représentation des fantasmes
violents
sur la scène de l'art, alors elles resurgiront immanquablement
dans
la réalité, et certains utiliseront ces images de violence
qui nous habitent, les manipuleront pour prendre le pouvoir.
Applaudissement du public...
Président Charvet, réagissant aux applaudissements : Ce n'est pas le lieu pour ce genre de manifestation, d'autant que la position des parties civiles les auraient mérité.
L'arrêt de la cour concernant cette affaire sera
rendu le 20 décembre.
proces 2000 ...... autres
proces ...... index.htm ...... costes@costes.org
http://costes.org
2000