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ON M'A TUE


Si vous me retrouvez mort, qui m'aura tue? Peut-etre un justicier anti-raciste convaincu de ma culpabilite? Peut-etre un voisin qui me haissait? Mais mes voisins n'iraient pas jusqu'a me tuer. Ils souhaitent ma mort sans plus.

Tout au plus donnent-ils de la mort au rat a mon chat. Et mon chat est bizarre. Fatigue, il se couche sur le flanc, il refuse de manger. Il est calme, est-il triste? Souffre-t-il? Il ne se plaint pas, il ne dit rien, il ne miaule pas. Il attend. Il sent la mort en lui venir, ou peut etre qu'il ne sent rien. Il se laisse aller. C'est pas qu'il soit fataliste. Les chats sont de redoutables guerriers, mais le guerrier blesse a mort accepte son sort. Ce n'est pas de la lachete, c'est la marque du grand guerrier.
Mon chat etait un grand guerrier. Ils n'ont pas ose le tuer de leur main. Leur main ne l'a pas touche. Elle a a peine melange la mort au rat au cadeau empoisonne. "Tiens minou, mange le bon miam-miam"... Et le salaud, le lache, s'est casse satisfait.
Et mon chat est mort, couche sur le flanc. Son sang a coule de son anus en silence lentement. Et il est mort en dormant. Il a ferme les yeux, et quand il les a rouverts, il etait mort.
Moi j'etais triste furieux impuissant. Le veterinaire a dit que c'etait un crime courant, un crime banal et impuni. Les laches sont contents et tranquilles.

AVANT DE ME DEMANDER DE RESPECTER LES AUTRES, IL FAUDRAIT DEJA RESPECTER MON CHAT.



Ils ont tue mon chat mais c'est moi qu'ils visaient. En tuant mon chat, ils m'ont tue. ils m'ont rappelle que moi aussi je vais mourir, peut etre pas de leur main mais de leur intention. Ils ont l'intention de me tuer mais ils n'osent pas. Il y a la police, les complications. Il n'y a pas de police pour les animaux.
Il y a des pays sans police ou on peut tuer des gens aussi facilement que les voisins tuent les chat. On fait "ahlala" l'air las, et on met le cadavre a la poubelle. En france on met les chats a la poubelle. Il y a des pays sans poubelles ou les cadavres trainent dans la rue, des pays du tiers monde mais ca arrive ici aussi.
J'ai vu un clochard gele ramper sous l'autoroute. Je suis passe en caisse vite fait mais je savais qu'il allait crever. A cette heure, en cette saison, la nuit, moins vingt degres, il n'a aucune chance. Il va crever gele et moi je suis passe. J'ai monte le chauffage dans la caisse et je suis passe.
J'en ai parle en souriant bizarrement, vaguement gene, mais c'est bien passe. Personne n'a bronche.
Le clochard etait creve, ils en ont parle a la tele. Moi je l'ai vu ramper et je savais qu'il allait crever, mais je n'ai rien fait.

Alors maintenant je me sens menace
MAIS COMMENT CRIER A L'AIDE PUISQUE JE N'AI RIEN FAIT?



J'ai vu mourir mon chat et crever le clochard. Je les ai vu ces deux la, de mes yeux vu, et pas juste a la tele. Sur la retine de mes yeux ils sont creves, et je pouvais caresser son pelage sanglant, son anus pissant le sang. Mais je n'ai pas caresse le clocard mourant. J'ai prefere caresser mon chat mourant. Mon chat me degoutait moins que le clochard mourant. Le clochard est sale et encombrant. S'arreter pour l'aider, ca serait complique. Il faudrait appeller, prevenir la police, arreter les caisses, faire signe aux pompiers, telephoner...c'etait trop complique.
(Si je remplace clochard par noir, j'irai en prison).


Je suis rentre chez moi et j'ai vu mon chat couche sur le flanc. Il refusait de manger, il s'endormait. Je l'ai laisse crever et je l'ai porte, encore chaud, dans mes bras, contre moi, mon bebe, je l'aimais.
Pourquoi l'ont-ils tue le beau guerrier? Pour me faire chier, rien que pour me faire chier.

Alors maintenant je sais que je vais crever. Ca sera peut-etre la maladie, peut-etre le suicide, mais peut-etre aussi un assassin planque. Un noir planque dans le noir. Planque derriere la poubelle, il me guette, au moment ou je sors le chat. C'est l'heure des poubelles et je sors le chat. Et l'assassin en a profite.
Il a profite de mon deuil, de ma douleur, de mon innattention, de ma fatigue. Il a profite d'une bonne occasion (mon chat venait de mourir), et je suis tombe sous les coups. Les coups des microbes ou les coups de couteau. Le razoir que je porte moi meme meticulesement a ma gorge, ou les coups repetes au ventre d'un assassin different.

Assassin different car moi aussi je suis assassin. J'ai tue le chat, le clochard, et.. combien de vaches et de poulets eleves d'en d'atroces condition pour satisfaire mon appetit...ma sale survie!
Alors comment se plaindre d'un assassin? Je sommes tous des assassins.
N'empeche que j'ai peur.

J'ai peur. J'ai pas envie de mourir. J'ai pas envie de soufrfir et j'ai peur de mourir. Je n'ai pas le courage fatal du chat qui tue et qui meure sans hesiter. Je suis un lache planque. Rien que le fait que j'ai tenu 43 ans prouve bien que je suis un lache assassin planque.
Et en plus j'ai le culot de me plaindre! Je crie a l'aide a l'assassin!
Mais je ne veux pas que vous m'aidiez. Je crie parce que j'ai peur. C'est tout.
Je ne crie pas a l'aide, je crie juste a l'assassin.
J'appelle l'assassin?



Si vous me retrouvez mort, on m'aura assassine. Qu'importe le couteau. Que ce soir le cancer ou le sida, ou lui ou toi ou moi, dans tous les cas on m'a assassine. Assassine vous dis-je. Mon corps mort vous le dit. Vous ne me croyez pas? Eh bien regardes dans quel etat je suis. Mort. "Mort!" vous dis mon corps sanglant, sanglant immobile. Regardez donc le moi mort. Etudiez moi. Etudiez la figure regrettee. Regardez bien, profitez en, ca ne m'arrivera qu'une fois.
Costes mort, ca n'etait encore jamais arrive. Instant exceptionnel, magique : celui qui vivait ne vit plus. Mon immobilite vous surprend? Habituez vous, merde! Profitez en!




Etudiez ma mort, parlez de moi mort. Ca n'arrive pas tous les jours.
Bon, il y a des morts tous les jours, ok. Mais on ne les connait pas tous. On ne peut pas tous les toucher.
Touche moi, allez, touche moi mort. Ca fait quoi?
Touche merde! Si ca se trouve, c'est la seule occasion que tu auras jamais de toucher un mort.

On touche pas les morts, on les pleure.
On ne les aime pas, on les pleure.

Meme mon grand pere creve je l'ai pas touche. Je l'ai senti. L'odeur de pourri sous les cierges et les neons...Ca faisait bizarre ce melange d'hopital et d'eglise : un peu d'eglise dans un hopital.

Je prefere encore crever assassine abandonne dans une rue, dernier regard sur le ciel, plutot qu'a l'hopital entre deux cierges factices. Des cierges en plastique pour faire plaisir a la famille. Faire plaisir a ma famille qui m'a tue?! Merde, c'est un comble!

Car ce sont bien eux qui m'ont tue au debut. Papa maman ont mis la mort en moi. Ils m'ont donne la mort, ma part d'heritage, le seul chateau dont j'aurai jamais profite, un catafalque noir a deux balles dans la tete.

Mais ceux la sont innocents puisque j'ai survecu a l'enfance assassinee. L'adulte a survecu.
Je suis parti et je suis mort ailleurs. Loin de la maison, dans une autre rue. Seul comme un grand, au moins c'est deja ca (c'est deja pas mal!)
J'ai vu le ciel, le pave, les pas des laches qui s'eloignaient...mais au moins je n'ai pas vu maman penchee sur moi en larmes pour me gacher mes derniers moments, papa dans le paysage qui fait le signe de croix mental avec son fusil et sa bite dignement sur le ciel qu'il me cache le con! Mon dernier coucher de soleil! Et je vois ca gueule a la place, et je creve! C'est a se flinguer!


Donc les assassins parents, laissez les, ce ne sont que des parents, de banals assassins parents.
Moi aussi, si j'avais un enfant, je m'empresserais de l'assassiner d'une maniere ou d'une autre. Mort rapide ou lente, ni vu ni connu. Dans tout les cas il crevera.
Peut-etre qu'il me survivra, ok, mais il crevera. Et ca, ca rassure. (Pensez, si le progres etait au point de savoir que nos enfants echapperont a la mort qui nous etreint, mais on etreindrait vite ses enfants pour les etrangler (apeureusement) afin de prendre leur place et de vivre a leur place. Plutot que de crever a ma place.

Encore faut-il vouloir vivre...
Les parents n'assassinent pas leurs enfants pour vivre car ils veulent mourir.

Vous ne comprenez pas?! Vous vous detournez?! De mes yeux morts assassines, mes yeux ouverts de pisseur(poisson) idiot et froid comme il y en a des tas a carrefour (et pas que dans les rayons, dans les allees aussi, et a la caisse, et le videur securite aussi!). Tous des pisseurs(poissons) creves, tous de futurs pisseurs(poissons) creves.
Mon regard froid vous l'evitez...et vous dites me regretter!
Pisseurs(poissons)!

Maintenant c'est mon tour, je meure je suis mort. J'ai ete assassine.
Meme si tout parait normal, j'ai ete assassine. Assassine par moi, par eux, vous. Par la racaille, par les juifs, par les blancs, les noirs, les haineux, et les gentils a qui je n'ai su que repondre. Tout m'a assassine lentement assez vite.

Et l'assassin m'a acheve vite fait.






Finalement, il m'a peut etre rendu service, sans faire expres.
Au fond, l'assassin, il m'aimait (sans le savoir).
Il m'aime. Il a pitie de moi. Il vient devant chez moi. Il dit "Costes ce salaud faut le crever!". Il a raison, faut me crever.
Mais mon corps resiste et ma pensee. Je me debat, je me plains. Je crie. Mais je ne crie pas a l'aide. Je crie a l'assassin car j'ai peur.






Car je ne suis pas un chat courageux, grand guerrier. Je ne connais pas la guerre. Sauf la guerre interieure. La guerre contre moi meme m'a detruit peu a peu.
L'assassin n'a fait qu'achever le travail bien fait par moi et mes ancetres.
Destine a crever, on m'a tue.



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