Le singe a comme explosé dans le ciel.
Stupéfait, il a volé dans les airs puis est retombé... mais sans tomber.
Il se rattrapait de branches en branches en faisant des sauts perilleuxs toujours plus improbales et périlleux; un numéro ahurissant qui l'etonnait lui-même (il ne se savait pas si balaize au trapèze!).
Et, tout le temps qu'il tombait, il me faisait face et me fixait.
Je sais pas comment dire, comment c'est possible : il tournait dans le ciel en tombant de branches en branches comme une multitude de trapezes sans filet toujours se rattrappait; et toujours ses yeux dans mes yeux plantaient!
Ses yeux dans mes yeux a cent mêtres plantaient pour toujours.



Plantaient quoi? L'incredulité? Même pas.
Le reproche, la peur, la souffrance? Bof...
Ses yeux simplement dans mes yeux plantaient pour l'éternité
= jusqu'à ma mort le soir je vois tes yeux plantés dans mes yeux.

Il n'avait fait aucune faute, comment pouvait-il mourir?


Et il s'est rattrapé.
Par le pied la queue la main. Dix mêtres plus bas mais toujours me dominant. Couvert de sang, la tête en sang, mais toujours les yeux fixes bien vivants plantés dans mes yeux.

Il s'est rattrapé. Il a stoppé sa chute, de branches en branches, et dans un dernière voltige de champion du monde, il s'est calée entre deux branches maitresses, bien calé, face a moi, et continua a me mater, me mesurer,
continua a etre le singe, le chef, le maitre, le roi, le héros qui assure jusqu'au bout (pour que ses femmes, ses enfants vivent heureux et ne manquent de rien sous sa protection son sacrifice).

Et moi minable merde jean-louis costes, pseudo short paramilitaire, t-shirt decathlon, 63kg, mal aux pieds pue des pieds, de la crème anti moustioques sur le cul, j'ai rechargé mon arme, je vous jure je l'ai fait! J'ai rechargé les yeux dans les yeux avec le singe, avec une chevrotine plus dure,
et à nouveau face à face nous étions, chacun à un bout de l'arme, encore plus longtemps. Lui immobile haletant saignant, mais bien calé entre les deux branches maitresses; la tête droite, les yeux vivants, me fixant dans le sang.
Et moi tranquille, du bon coté bon bout du fusil, bien à l'abri, pépère qui donne la mort
et se paye encore le luxe de regretter!

Apres longue pose contemplation numéro deux,
j'ai appuyé à nouveau.

REPAN!


Et cette fois çi il est parti pour de bon, tout doucement vers l'arrière a 0,0001 mètre a l'heure, un ralent i de héros de cinéma en vrai.
Il a disparu derrière le tronc a la renverse. Ses yeux me plantèrent définitivement, puis ils montèrent au ciel acceuillant comme son dos allait vers la terre.
Il disparut, englouti par le bruit, poussé par le plomb, de l'autre coté du tronc; et je le croyais déjà loin là bas au sol dans le marais noyé. Hors de ma vue.

Mais non.


Très lentement, dans un parfait 180 degrés, il fit le tour de la branche, autour d'un seul bras... et reparu dessous, mort mais digne.
Digne car pas tombé par terre des hommes, déshonneur des singes du ciel.
Pas tombé au champ de boue des connards; pendu à l'arbre de gloire des singes.
Mon héros, mon roi, mon exemple; mon seul ami.
Pendu me tournant le dos balancant mort a la branche.

Il nous avait quitté, mais il ne m'avait pas quitté puisque je le voyais.


En plus, j'ai pris une photo.

.....................

J'ai marché. J'ai bouffé les sardines. J'ai pensé à lui la nuit. J'ai eu peur. J'ai regretté. J'ai cru que le jaguar me punirait. J'ai pris l'avion. J'ai raconté çà sur internet.
Je suis un assassin.
Personne ne me punira jamais?



Je viens d'avouer le plus grand crime et personne ne m'arrête ne me juge ne m'emprisonne?!
Justice boufonne des hommes ne respecte pas le Roi.

Pour moi, tuer un humain n'est rien, racaille a éradiquer.
Mais pas le singe.
Non, pas le singe, mon maitre mon dieu paien.
Sans toi je ne suis rien.


Sans toi dans l'arbre ,je suis si seul au sol.



Il y a eu un silence rempli d'echo...
Puis les femelles sont venues, une par une; se sont approchées du grand corps tiède de leur amour pendu perdu. Elles l'ont reniflé respectueusement, et les enfants se taisaient accrochés aux seins, conscients que le destin basculant continuait.
L'histoire changeait.
Tout continuait comme avant.
Les hommes la mort les singes le roi mort.

Comme autrefois, rien ne serait plus comme avant.
(pour elles, pour moi).


Puis la vieille a hurlé. Un grand cri de mort, un chant funêbre; et toutes ont hurlé chanté, rendu hommage, admis.
Et tous, les femmes les enfants et le nouveau jeune roi tourné vers moi, ont fui à l'opposé de moi leur malheur; me laissant seul.

Et maintenant elles errent
(aujourd'hui 24 octobre 1999)
en chérissant l'enfant qui, grand,
saura les, a son tour.

Si le temps lui laisse...le plomb...un autre con...


Si encore il était tombé d'un coup comme un poulet...
Mais son ballet féerique surhumain saccadé dans le ciel plombé...
Cà repasse en boucle dans ma tête.


Le singe mort et moi sommes liés jusqu'a ma mort comme le nazi au juif.

Mais qui d'entre vous a assez tué pour comprendre?


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